Si un frémissement agite encore le marché de la fibre optique, ce n’est pas simplement à cause des audacieux programmes de raccordements démagogiques qui ont été lancés dans les différents réseaux d’accès. La concurrence est grande entre les industriels qui poussent les technologies vers des débits de plus en plus élevés. Mais la surprise vient aussi du tout puissant Google et de ses projets de prise en main du CDN (réseau de distribution de contenu). Examinons d’abord les récents progrès accomplis en fibre optique, avant de tenter de deviner ce que prépare le géant de l’Internet.
L’Ethernet japonais à très haut débit
La division R&D de l’exploitant de réseau japonais KDDI, a mis au point une technologie de communication optique permettant de transmettre des données sur un réseau Ethernet au débit de 100 Gbit/s jusqu’à 1 000 km sans correction du signal. Ethernet est le protocole des réseaux locaux d’entreprise le plus employé. Actuellement, les réseaux peuvent atteindre au maximum des débits de 10 Gbit/s en les transmettant sur 10 lignes de 1 Gbit/s avec le concours de 10 équipements de transmission. Pour atteindre les nouvelles performances, les laboratoires de KDDI ont utilisé le multiplexage OFDM (Orthogonal Frequency Division Multiplexing) ce qui permet de réduire l’atténuation subie par les signaux rapides. Le signal est divisé en 2 000 canaux répartis sur des sous porteuses de signal dont la puissance d’émission est très faible, et donc moins perturbatrice.
Succès d’Ekinops en Asie
La société Symphony a choisi la plate-forme de transport multi-accès et multi-service, Ekinops 360, pour permettre l’agrégation et le transport des circuits Gigabits Ethernet assurés sur une architecture optique à 10 Gbit/s et anticiper les besoins croissants de ses clients exploitants et ISP dans la région métropolitaine de Bangkok. La solution d’architecture de réseau optique retenue par Symphonie repose sur la plate-forme Ekinops 360 et ses capacités d’agrégation Gigabit Ethernet, de transport de signal et des capacités de gestion qui permettent l’optimisation des ressources du réseau en place tout en transportant de l’Ethernet. La solution proposée par Ekinops permet à Symphony de n’utiliser qu’une seule longueur d’onde à 10 Gbit/s pour le transport de multiples circuits Gigabit Ethernet, ce qui optimise l’utilisation des ressources métropolitaines en fibre optique.
[www.ekinops.net] [www.symphony.net.th]
Ekinops dans le 10 et le 40 Gbit/s
Ekinops commercialise dès 2009 une solution de transport à 40 Gbit/s économique, intégrée à sa plate-forme de transport optique Ekinops 360. Grâce à sa technologie Wave Bonding, Ekinops s’apprête à changer les conditions économiques de la transmission haut débit en rendant accessible la migration vers le débit 40 Gbit/s et la possibilité de transporter à la fois le 40 Gbit/s et le 4 fois 10 Gbit/s. La première application de la technologie Wave Bonding augmente le nombre de canaux 10Gb/s en agrégeant quatre flux 10 Gbit/s sur une longueur d’onde à 40 Gbit/s, ce qui permet de transporter jusqu’à 320 canaux à 10 Gbit/s en bande C. La technologie Wave Bonding permet de fournir aux exploitants une migration simple et performante en terme de débit vers le transport à 40 Gbit/s ». [www.ekinops.net]
L’Ethernet à 100 Gbit/s en WDM de Huawei
Huawei Technologies a développé avec succès son prototype Ethernet 100 Gbit/s (100 GE). Ce succès fait suite au lancement du prototype 100 Gbit/s WDM. La technologie 100GE fournit une interface Ethernet, compatible avec les technologies WDM 40G et 100G et offre une solution de bout en bout pour les exploitants. Huawei s’est penché sur les technologies WDM 100G & 100GE pour répondre à la demande future des services à très haut débit. Le prototype 100GE permet de réaliser une distribution du débit global sur 10 canaux physiques distincts et met en œuvre avec succès la technologie 100GE. Le prototype dispose des fonctions de surveillance et de protection d’une grande fiabilité. Actuellement, Huawei participe activement au développement de la norme 100 GE IEEE802.3ba. [http://www.huawei.com]
Le prix de la fibre rejoint celui de l’ADSL2 Plus
Selon une étude effectuée par Tariff Consultancy Ltd, il apparaît que la réalisation en Europe de l’accès en fibre optique en FTTH (Fibre To The Home) entre facilement en compétition avec les débits des services triples proposés en ADSL2Plus. Les conditions économiques ont été évaluées dans une vingtaine de pays européens dans cette étude intitulée « FTTH Pricing in Europe 2009 ». Les prix ont été également comparés avec ceux disponibles dans plusieurs réseaux asiatiques (Hong Kong, Japon Corée du Sud). En général, le service triple en FTTH à 100 Mbit/s est commercialisé en Europe sur la base des 30 euros par mois (entre 29 et 35 euros, en réalité), ce qui est beaucoup moins cher en matière de débit que les offres courantes en ADSL2 Plus. D’autre part, l’étude souligne que les réseaux câblés hybrides (fibre et coaxial) offrent du 120 Mbit/s répondant à la norme DOCSIS 3.0 au débit de 120 Mbit/s par foyer. [www.telecomspricing.com]
Un réseau optique métropolitain en Russie
Moscow Telecommunications Corporation (COMCOR) est l’un des plus importants exploitant de réseau en Russie. Il possède le plus grand réseau MAN de fibres optiques de Moscou, raccordant la plupart des bâtiments administratifs et d’affaires au réseau optique à haut débit de la capitale (écoles, postes de police, tribunaux, hôpitaux, centres d’affaires, PME et grandes entreprises, etc.). COMCOR a déployé plus de 4 000 noeuds PON Terawave pour les administrations et les entreprises de Moscou.
COMCOR a construit trois réseaux métropolitains parallèles. Le premier est un réseau SDH utilisé principalement pour le trafic TDM et est constitué d’anneaux imbriqués. Le second, en ATM, est utilisé pour des services de données de très grande qualité. Le troisième est un réseau IP utilisant de gros routeurs de transport reliés à des commutateurs Gigabit Ethernet. Le PON Terawave est une solution intéressante pour l’accès multiservices à haut débit. Il répond aux besoins de services de 95% des utilisateurs au coût le plus avantageux. Le PON permet des architectures linéaires, en étoile, en anneau ou même hybrides, et il ne requiert qu’une fibre pour desservir 28 sites et des milliers d’utilisateurs. Le réseau PON proprement dit est passif, nécessitant un minimum d’ingénierie et aucune armoire d’alimentation électrique. Le BPON de Terawave fournit aux entreprises un débit de 622 Mbit/s en symétrique avec protection. L’OLT (Terminal Optique de Ligne) dispose des interfaces réseaux TDM, ATM et IP/Ethernet. INEO Infracom distribue également les produits Terawave Communications en France. [www.ineo.com]
WDM-PON et le 10 G-PON
Aujourd’hui, dans le monde, deux techniques sont proposées dans le réseau d’accès pour apporter le très haut débit chez l’Internaute amateur de vidéos et de programmes télévisuels. Le WDM-PON est un lien du réseau optique passif qui utilise une longueur d’onde par abonné, pour chacun des sens de transmission. Le débit peut atteindre les 100 Mbit/s, sans utiliser de routeur de réseau d’accès. Ce montage n’est cependant pas compatible avec le protocole SDH de la plupart des réseaux installés. La plupart des réseaux expérimentent actuellement une solution beaucoup moins coûteuse, le G-PON à 10 Gbit/s, appelé aussi 10G-PON. C’est aussi une terminaison de réseau passif. Elle peut couvrir 100 km sans amplification et délivrer du 300 Mbit/s par abonné, les ressources de réseau étant mutualisées. La définition des normes du G-PON est en cours de finalisation à l’UIT-T.
Croissance continue du marché de l’optique
Selon l’Ovum, la progression des chiffres d’affaire de ce secteur se prolonge malgré la crise. Cette croissance se maintient à 5 % par trimestre, assurant 23 % de progression par rapport à 2007, en particulier pour les dix principaux fournisseurs mondiaux en composants optiques, parmi lesquels, il faut citer : Opnext (10 Gbit/s), Source Photonics (PON pour le réseau chinois et équipements VCSEL) et JDSU (équipements de modulation en légère régression, cependant). D’autres grands fournisseurs, tels que Sumitomo, Bookham et Fujitsu, connaissent une régression de leurs ventes au cours du dernier trimestre. [www.ovum.com]
Citons également l’achat par Nortel de la société Noverra, spécialisée en WDM-PON, technologie qui se place en concurrence du G-PON. En effet, le WDM-PON offre des débits symétriques et sécurisés et il ne met pas en œuvre l’accès multiple par répartition du temps. Korea Telecom a déjà câblé plus de 150 000 abonnés de cette façon.
British Telecom poursuit ses efforts de câblage optique FTTH pour son réseau du XXIème siècle qui devrait disposer de 10 millions d’abonnés en 2012 à 40 Mbit/s. La plupart de ces accès seront en fait des FTTC (jusqu’au trottoir) prolongés en paires de cuivre portant du VDSL2.
Deutsch Telekom étudie le moyen de réduire le nombre de ses centres locaux de 9 000 à 900 et d’utiliser la nouvelle architecture optique pour distribuer des applications multimédia aux professionnels et aux résidentiels. Personne ne peut dire sur combien d’années se déroulera le processus, et quelles seront les économies générées. Mais le mouvement est en cours.
Le protocole Ethernet s’adapte aux besoins des entreprises tout en cherchant à répondre aux exigences des exploitants de réseau. Les ressources du protocole Ethernet PBT font l’objet d’études de la part de plusieurs grands exploitants de réseau, parmi lesquels figure AT&T. Le protocole Provider Backbone Bridge - Traffic Engineering (PBB-TE), ou Provider Backbone Transport (PBT), est un protocole de communication Ethernet pour exploitant de réseau (IEEE802.1qay). Il utilise l’Ethernet, protocole de niveau 2 utilisé dans les réseaux locaux d’entreprise (LAN), mais sa fiabilité est plus forte. PBT n’utilise pas le protocole "spanning tree". Il met en jeu le marquage des VLAN (réseau local virtuel) selon IEEE 802.1Q, IEEE 802.1ad et IEEE 802.1ah. L’introduction de PBB dans la norme IEEE802.1ah (Provider Backbone Bridges) rajoute une nouvelle adresse MAC dans l’en-tête MAC classique, ce qui renforce la sécurité des transactions tout en gardant la transparence du trafic vis à vis du réseau.
Evolution progressive du réseau de télécommunications
Le fait de garder les yeux rivés sur nos dossiers nous empêche de prendre conscience de l’évolution à la fois progressive et rapide de notre bon vieux réseau de télécommunications, hérité de nos chers « PTT ». La plasticité de cette architecture de communication, dont les bases ont été créées au cours de l’autre siècle, a rendu presque invisible ses transformations successives, passant de la commutation de circuits à la commutation par paquets, de l’analogique au numérique, du téléphone au Minitel, associant le fixe au mobile et apportant après le son et le texte, l’image télévisuelle en couleurs. Les « convergences » successives ont été si douces qu’aux yeux des utilisateurs, rien n’a été réellement changé. Pour les exploitants, au contraire, les modèles d’architectures de réseau, les techniques, la réglementation et le modèle économique ont été remis en cause à plusieurs reprises, alors qu’ils avaient obligation d’assurer la continuité du service ainsi que…l’équilibre budgétaire de leur activité !
Pour Tom Nolle, Président de CIMI Corporation, le modèle « cascade » a prévalu pendant près d’un siècle, conduisant l’exploitant à « pousser l’information » depuis sa source vers sa destination. La chaîne de valeurs était claire et simple, en particulier sur les relations internationales et, seuls, les IRC (International Records Carriers) étaient autorisés à gérer du « trafic en parallèle », ouvrant ainsi une certaine concurrence avec les Administrations et exploitants nationaux. Au cours du temps, les IRCs ont innové, avec la gestion et la supervision de leurs abonnés internationaux et ils ont ouvert les premiers services innovants de communication. La troisième étape qui s’ouvre sous nos yeux concerne la création d’une nouvelle architecture nécessaire à la distribution des services à haut débit afin de permettre aux vendeurs de contenus d’accéder plus facilement aux réseaux d’accès et de pouvoir participer à la gestion de leurs clients. Un Internet, constitué des réseaux d’accès sur lesquels l’information à haut débit est poussée en cascade vers une partie des abonnés, n’est pas viable pour les quelques 900 producteurs mondiaux d’application qui gèrent les contenus. Les routeurs intermédiaires seraient trop nombreux pour être rentables et pour assurer une qualité de service suffisante. L’hybridation des modèles où l’information était « poussée » ou était conduite « en parallèle » suppose aujourd’hui de définir une autre architecture de réseau, une autre réglementation et une autre approche économique.
Cette nouvelle architecture est nécessaire, en utilisant la plasticité de l’architecture des réseaux, non pas pour détruire l’Internet, mais pour le compléter et permettre à tous les Google du monde, YouTube, MySpace, etc. de grandir et de prospérer. L’Internet actuel n’est pas adapté à la diffusion vidéo. L’évolution du trafic montre qu’un iPhone génère 50 fois plus de trafic de données que n’importe lequel des terminaux mobiles. Une extension des liens vers les serveurs et une organisation meilleure du CDN est nécessaire. Ceci et doit être financé de façon logique, les ressources publicitaires ne pouvant y suffire et même, ne pouvant pas être réparties de façon équitable entre les différents fournisseurs de contenus du monde. En ces temps de crise économique mondiale, les difficultés vont donc être grandes.
On ne peut pas techniquement songer distribuer du trafic en haut débit chez un certain nombre d’Internautes à partir des 1,5 million de centres de rattachement qui ont été mis en place dans 65 pays, sans demander à ces abonnés de payer le prix réel de cette distribution. Une autre structure, ne réclamant que 65 centres, devrait suffire pour effectuer cette évolution naturelle. Level 3 et Akamai proposent des alternatives qui paraissent être en mesure de répondre au nouveau défi de topologie. La réforme, dont on parlait déjà il y a dix ans, est probablement en route. Les lourds efforts consentis actuellement en matière de fibre optique (en R&D comme en investissements) et en nouvelles liaisons satellitaires orientées vers des serveurs semblent confirmer ces orientations.
Salon INTERNET WORLD , Du 24 au 26 Avril 2012 à Londres, INTERNET WORLD : l’évènement ... [suite] Séminaire IPv6, Le 11 Avril 2012, à Telecom ParisTech., Le G6 organise un séminaire ... [suite]