Comme pour toutes technologies, la normalisation des soins médicaux a commencé par des efforts isolés qui se sont manifestés dans des îlots de compétence. Certaines réalisations sont réellement spectaculaires sur le plan des résultats obtenus, ce qui conduit les responsables et leurs partenaires à redoubler d’efforts pour le succès des projets visant à la mise en place de la télémédecine.
Le matériel médical s’entoure toujours de nouveaux équipements électroniques et de logiciels qui rendent les tâches quotidiennes des professionnels de santé plus aisées. Les difficultés commencent lorsqu’il s’agit de réaliser la connectivité, puis d’intercommunication entre systèmes différents, soit entre des centres de soins proches, soit entre sites éloignés. Les notions propres à l’informatique et au traitement des données viennent s’ajouter à la complexité de l’art du médecin et à la formulation des diagnostics. Bien que les protocoles médicaux pour la télémédecine soient encore loin d’apparaître, on peut dire que les normes nationales et régionales, lorsqu’elles existent, devront céder la place à des normes de portée mondiales, donc avalisées par des structures existantes participant à la normalisation internationale.
Il faut admettre que, ne serait-ce que pour des raisons liées à la nécessité de contacts entre les établissements de soins ou aux déplacements plus fréquents des personnes, ces normes doivent être de portée internationale. Le coût global de la santé ne pourra alors que diminuer, du fait de la normalisation des équipements et de la sécurité apportée aux traitements dispensés. Des travaux importants de normalisation ont été déjà accomplis dans ce sens par les pays scandinaves, l’Allemagne et l’Amérique du Nord. Plusieurs domaines isolés et un certain nombre d’hôpitaux qui étaient au cœur de projets expérimentaux, utilisent aujourd’hui de normes mondialement reconnues. Un dossier médical du patient (MR, ou Medical Record) doit comporter un certain nombre d’informations structurées et disposées de façon convenue (fichiers, cartes à puce, etc.). L’EMR (ou Electronic Medical Record) contient, en plus du MR et de façon plus détaillée, des enregistrements de signaux biomédicaux, des images et de la vidéo, etc. sous des formats qu’il est préférable de rationaliser et de normaliser. En radiologie, la norme d’image médicale est celle fournie par le secrétariat de NEMA sous le nom de DICOM. En pharmacie, les références sont souvent celles du laboratoire américain NCPDP (National Council for Prescription Drug Programs). Les laboratoires utilisent plusieurs références américaines connues sous le sigle POCT 1-A (IEEE, HL7, NCCLS, National Committee for Clinical Laboratory Standards). Les unités de soins intensifs (Intensive Care Unit) répondent aux exigences de la norme IEEE 1073. La gestion hospitalière utilise plusieurs normes américaines de référence émises par des Forums (HL7, X.12, etc.) avec des extensions régionales. En réalité, la vie des multiples services hospitaliers spécialisés crée quotidiennement des interférences fonctionnelles et chacun d’entre eux peut être amené à connaître d’autres normes que celles qui lui sont spécifiques.
DICOM
La première version de la norme DICOM (Digital Imaging and Communication in Medicine) a été créée en 1982 par la société ACR (Collège américain de radiologie). La normalisation du secteur des équipements électriques industriels est gérée aux Etats-Unis par l’Association professionnelle NEMA (National Electrical Manufacturers Association), créée en 1926 et forte aujourd’hui de plus de 400 membres, qui collabore avec l’ANSI (American National Standards Institute) et la CEI (International Electrotechnical Commission).
Acceptée en 1992 dans sa version 3, DICOM a été remise à jour par NEMA en 2001 et comprend maintenant plus de 2 000 pages. Cette norme est issue des premiers travaux informatiques en tomographie effectués en 1983, réalisés sur la base des premiers diagnostics médicaux donnés par ordinateur au cours des années 1970. Le groupe d’experts constitué par NEMA et ACR visait la réalisation des trois objectifs suivants :
1 Promouvoir la transmission d’images numériques, quel que soit le récepteur utilisé ;
2 Faciliter le développement de l’archivage d’images et des systèmes de communication (PACS) répondant aux besoins des hôpitaux ;
3 Permettre la création de bases de données d’aides au diagnostic interrogeables facilement à distance.
La norme DICOM est devenue la référence de tous les professionnels de santé qui ont besoin de l’imagerie médicale, c’est-à-dire, la cardiologie, l’orthodontie, l’endoscopie, la mammographie, l’ophtalmologie, l’orthopédie, la pédiatrie pathologique, la radiologie, la chirurgie, et même la médecine vétérinaire. Plusieurs compléments ont été ajoutés à la norme en 2001. Le DCMR (DICOM Content Management Resource) fournit un ensemble de codages et de modèles permettant de formaliser le rapport sur une base applicative. L’application de mammographie numérique permet, par exemple, de stocker les résultats et de relever les anomalies, soit pour une utilisation externe, soit à des fins de comparaisons. Les éléments significatifs de l’examen sont repérés, annotés et documentés.
De plus, la nouvelle extension de la norme offre un plus haut niveau de sécurité et assure la confidentialité des informations stockées sur DVD par un système de signature numérique attaché à l’intégrité et à l’authenticité des images et des rapports médicaux. La norme DICOM bénéficie aujourd’hui d’une reconnaissance totale au niveau mondial pour toutes ses applications. Elle comprend aujourd’hui quatre volets :
1 Des formats d’images et des objets d’image ;
2 Des messages de flux de travail, des listes de tâches et des étapes de procédures effectuées ;
3 Des considérations de sécurité (identification, des données des patients, signatures numériques, etc.) ;
4 Des rapports structurés contenant des résultats de mesures commentés et des diagnostics codés établis par le radiologue.
DICOM et HL7
HL7 est une norme de gestion d’usage courant en télémédecine pour le transfert de fichiers. Les messages sont codés en ASCII, avec de la redondance. La version 2.5 de cette norme offrait déjà la possibilité de travailler en langage XML. La version 3.0 améliorée, publiée en 1996, propose l’emploi d’une architecture de document clinique (CDA), plus élaborée que celle proposée par DICOM. Elle est assez utilisée dans quelques pays industrialisés. Actuellement, une version 3.0 RIM (Reference Information Model) est en cours de préparation.
L’intégration de HL7 dans la norme DICOM est souhaitable pour les documents cliniques, en particulier, si la CDA y est incorporée. Des travaux de normalisation sont également en cours à ce sujet.
Intégration des activités de soins de santé (IHE)
En 1996, la RSNA (Radiological Society of North America) et la HIMSS (Healthcare Information and Management Systems Society) créèrent le concept d’intégration des activités de soins de santé (IHE, Integrating the Healthcare Entreprise) dans le but de rationaliser les outils et équipements proposés par les industriels, de simplifier les tâches du personnel soignant et d’améliorer la qualité des prestations fournies. Cette approche HIE, qui a débuté aux Etats-Unis, s’étend progressivement sur le plan géographique dans la plupart des pays industrialisés et des expériences sont tentées dans quelques pays en développement. La nécessité de disposer de normes dans toute la palette d’activités de ce domaine apparaît comme une évidence. Un pas important a été accompli dans cette direction, sur les aspects d’interconnexion entre les laboratoires, en novembre 2002, lorsque le CIC (Connectivity Industry Consortium) et le NCCLS (National Committee for Clinical Laboratory Standard) publièrent ensemble un document fusionnant la norme HL7 avec des normes de l’IEEE sous la référence POCTI-A. Le NCCLS est un organisme accrédité par l’ANSI qui participe aux travaux de l’ISO TC 212 pour les mesures cliniques en laboratoire et qui a rédigé plus de cinquante normes acceptées part la FDA (Food Drugs Administration).
Aux Etats-Unis, la prescription des médicaments relève d’un organisme national, le NCPDP (National Council for Prescription Drug Programs). Cet organisme a proposé à l’ISO de transformer un ensemble de ces normes nationales en normes internationales. Sur le plan de l’informatique de santé américaine également, le groupe ASTM E31 a proposé, en vue de leur adoption par l’ISO, une collection de normes relatives à l’architecture, au contenu des donnés médicales, à leur stockage, à leur sécurité, etc.
Etat actuel de la normalisation en télémédecine
L’ensemble des professionnels du domaine de la santé est acquis à la nécessité de disposer de normes pour un meilleur exercice de leur profession. Un premier ensemble de normes sont disponibles et un second contingent de normes nationales doit encore être examiné avant d’être transformé en normes internationales. La coopération s’établit sur plusieurs plans (utilisateurs, industriels, académies de médecine, entités législatives et/ou réglementaires). Les organismes spécialisés en fourniture de documents de normalisation (SDO) collaborent de façon transparente avec les organismes de normalisation reconnus en vue de la préparation de normes stratégiques.
Au sommet de la hiérarchie mondiale des organismes de normalisation concernés par la télémédecine, on trouve principalement l’ISO, la CEI, l’OMS, l’IEEE et l’UIT. Il est apparu qu’un grand nombre de domaines ne disposaient pas encore de normes et qu’en conséquence, l’ISO devait prendre en charge cette responsabilité. Le groupe technique 215 de l’ISO (ISO TC 215) s’est donc spécialisé dans l’informatique de santé, et son secrétariat, tenu par l’HIMSS, collabore dans ce sens avec le CEN TC 251, l’IEEE, le NCPDP, etc.
L’ISO TC 215 est composé de cinq groupes de travail :
WG1 : Health records and modelling coordination ;
WG2 : Messaging and communication (MIMS, Medical Information Management System) ;
WG3 : Health concept representation ;
WG4 : Security ;
WG5 : Health cards.
Sur le plan régional européen, les principaux organismes de normalisation concernés sont le CEN (Comité Européen de Normalisation), l’ISSS, le CENELEC et l’ETSI. L’accord de Vienne a été conclu entre le CEN et l’ISO en vue d’éviter la duplication d’efforts et les divergences entre ces deux entités. Il recommande en particulier que les bases des documents pertinents de l’ISO puissent être utilisables pour la rédaction de normes européennes. Les pays de l’Union européenne ont donc confié au CEN la conduite de projets de coordination (dont le projet européen Health on-line). Le CEN, par son groupe technique TC 251 dédié à l’informatique de santé, a produit plusieurs normes transformées en ENV (dont la ENV 13606 en 1999 dédiée à la communication électronique d’enregistrements de santé).
Le Comité technique CEN TC 251 (www.centc251.org) comprend quatre groupes de travail :
WG 1 : Modèles d’informations
WG 2 : Terminologie et bases de connaissance
WG 3 : Sécurité, protection et qualité
WG 4 : Technologies d’interfonctionnement.
Le WG 1 du CEN collabore activement avec l’OEHRF (Open Electronic Health Record Foundation) et les WG 1 et 2 du TC 215 de l’ISO. Le WG 4 du CEN travaille avec l’IEEE, NEMA et l’ISO/TC 215 WG2. Le CEN et l’ISO ont d’autre part établi un vaste programme de travail en commun.
Les Etats-Unis ont regroupé en un seul organisme leurs activités de normalisation de la télémédecine dans le ANSI-HISB (American National Standards Institute - Healthcare Informatics Standards Board), qui veille à l’unité et à la cohérence des actions entreprises, à la terminologie, à l’échange d’information et à la coordination des travaux de divers SDO. En France, la normalisation de la télémédecine concerne principalement l’AFNOR, la Société Française de Radiologie, le GSMIH, etc. Un certain nombre d’expérimentations de télémédecine sont conduites par France Télécom R&D avec la collaboration des industriels et de groupes hospitaliers spécialisés.
La télémédecine sur la Toile
Chacun imagine aujourd’hui que, comte tenu des performances en débit disponibles sur les liaisons d’accès, la télémédecine pourrait être dispensée économiquement si des portails de la Toile pouvaient être mis en place et coordonnés de façon efficace. Plusieurs expérimentations sont actuellement en cours sur ce principe. Grâce à un ensemble de plateformes multifonctionnelles et un langage commun facilitant la communication (XML, eXtensible Markup Language, par exemple pour les dossiers MMR) et d’autres normes actuellement disponibles (HL7, DICOM, CORBAMED, EDIFACT, etc.), les réseaux locaux des centres de soins pourraient ainsi facilement communiquer sur la Toile, comme s’ils étaient reliés par un vaste réseau privé virtuel. Le projet GRID avait été étudié en ce sens en 1995 pour faciliter la communication entre entités scientifiques et techniques européennes. Un GRID spécialisé pour la télémédecine en Europe fait aujourd’hui partie des projets européens et comprend plusieurs volets d’études spécialisées.
La télémédecine en France
En France, les projets de télémédecine ont reçu un sérieux coup de pouce avec la Loi du 4 mars 2002, responsabilisant les différents acteurs de ce système sur les thèmes du droit des patients et des obligations des professionnels de santé. L’économétrie et la compatibilité analytique médicalisée par séjour (CAM) suggèrent l’emploi des NTIC pour favoriser la coordination des acteurs de santé, pour garantir le respect de la confidentialité du dossier médical et pour assurer la sécurité des outils d’information et de communication.
D’une part, la nouvelle Loi de mars 2002 responsabilise le praticien. La gestion des risques, outre l’aspect du rôle joué par les assureurs, suppose parvenir à distinguer la faute de l’erreur ou de l’aléa médical. La médecine a, de ce point de vue, au moins vingt ans de retard par rapport à l’industrie, qu’elle ne peut rattraper que par l’emploi d’une informatique de gestion stricte et normalisée. La feuille de soins française revient deux fois plus cher que son homologue allemande. Les NTIC peuvent jouer ici un rôle essentiel pour la clarification comptable et pour la prise de décisions nationales et régionales. Les projets Qualisoins et Patient-on Line (POL) apportent heureusement un éclairage positif sur les améliorations possibles du système de soins français.
France Télécom a expérimenté avec CardioGap et le SAMU d’Avignon une solution de transmission en continu, par GPRS et ADSL sécurisée, des informations médicales relative à des patients transportés. Le SAMU est informé en temps réel de l’évolution de l’état du patient embarqué et des conditions de transport pendant tout le transfert vers le service d’urgence. Chaque année, en France, les services d’urgence doivent faire face à plus de 11 millions d’appels ou de missions à effectuer. Les transferts de données effectués répondent aux normes actuellement reconnues en télécommunications et en télémédecine.
D’autre part, France Télécom a participé avec succès à la mise en œuvre de moyens de communication pour une première opération de téléchirurgie avec emploi d’interfaces haptiques (science du toucher et du geste) utilisant des souris à retour d’efforts et des commandes numériques. Par ses interfaces homme machine plus intuitives et plus riches, cette robotique nouvelle est riche en promesses de développement dans le cadre de la télé formation des chirurgiens, ou pour le développement de la nano chirurgie, par exemple.
L’informatisation des centres de soins, la généralisation des liens à haut débit dans le réseau de distribution et la mise en place progressive de normes internationales de télémédecine sont de nature à modifier le paysage médical français de façon profonde.
Références : Sites de l’UIT, ISO, CEI, CEN, etc. et Conférences du Médec 2002 et 2003.
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