Différents Forums internationaux et de Caucus (groupes de discussion) ont tenté récemment de définir le contexte juridique de l’Internet, considéré comme un potentiel "facteur de croissance", d’interdépendance culturelle, d’échanges commerciaux originaux, de moyen de développement social, etc. En d’autres termes, la question se pose de savoir comment bien définir la gouvernance de l’Internet et sa "neutralité", de sorte que la technologie participe "au mieux" au développement socio-économique de tous les peuples de la planète ! Mais si une neutralité de l’Internet a pu exister, peut-elle survivre à la diversification des applications ?
Les juristes, les politiques et la réglementation
Historiquement, l’architecture physique de l’Internet appartient aux exploitants qui en ont la responsabilité et l’architecture logique de l’Internet possède un caractère ouvert et non-propriétaire, c’est-à-dire accessible à tous. La question pratique qui se pose aujourd’hui, compte tenu des développements techniques accomplis, et au nom du principe de la Neutralité de l’Internet, est de savoir si l’acheminement d’un fichier vidéo de 90 minutes doit être facturé au même prix qu’un SMS.
Dans l’état actuel des choses, les Etats se déclarent en faveur d’un Code de Conduite assurant "une transparence multilatérale et une gestion démocratique de l’Internet de façon à offrir un accès égal pour tous et un fonctionnement stable et sécurisé du réseau", sans exclure d’autres nuances plus subtiles en matière politique, de cultures nationales et de droits d’expression.
La neutralité de réseau vue par les collectivités locales
La gestion d’un réseau de service public doit être guidée selon l’intérêt général, afin d’éviter la propagande et les débordements de type commercial. La neutralité de réseau s’interprète comme une obligation qui s’impose à tous les agents des services publics, qui ont interdiction d’exprimer leurs opinions politiques ou religieuses dans l’exercice de leur mission. Cependant, ce principe n’empêche pas une liberté d’expression des administrés au sein même des bâtiments publics dont ils sont usagers. Force est de constater que les points de vue exprimés à propos de cette "neutralité de l’Internet" sont multiples : neutralité des réseaux, neutralité à l’égard des contenus, neutralité des outils [Extraits à retenir pour une première tentative de définition officielle de la Neutralité]. http://www.senat.fr/notice-rapport/
Il existe aux Etats-Unis près de 130 réseaux publics qui ont été établis à l’image des Réseaux Ouverts d’Initiative Publique (ROIP) en France. Ils ont été mis en place par 54 villes qui possèdent leur propre réseau de fibre et 79 autres possèdent leur propre réseau câblé municipal. Ainsi, plus de trois millions de personnes ont accès à des réseaux de communications [Extrait]. Notons au passage que ces réseaux sont essentiellement porteurs d’applications vidéo. http://alainbaritault.wordpress.com/2011/04/12/des-reseaux-ouverts-d%e2%80%99interet-public-aux-etats-unis%e2%80%a6/
Analyse de la Neutralité par un expert
Pour Stéphane Bortzmeyer, il n’y a pas de divergence philosophique sur le thème de la Neutralité de réseau, mais un désaccord politique entre deux clans, "la neutralité de l’Internet étant défendue par les utilisateurs d’applications, la non-neutralité par les intermédiaires que sont les exploitants de réseau". Et pour démontrer le bien fondé de son argumentaire, il utilise l’analogie de l’intermédiaire, un passeur de rivière en radeau à l’époque de Cro-Magnon. En deux mots, le principe de la "neutralité de l’Internet" repose sur le principe que l’intermédiaire ne doit pas abuser de son rôle. [La page de ce site, dédiée à la Neutralité, rassemble un ensemble piquant de différentes prises de position.] http://www.bortzmeyer.org/neutralite.html
La neutralité de réseau vue par les techniciens
Un réseau n’est pas un espace neutre et les exploitants doivent, d’une façon ou d’une autre, se déterminer sur la façon de gérer le trafic. Il est nécessaire de respecter certaines des caractéristiques des différents trafics. Par exemple, en vocal ; il faut éviter la perte de paquets. Les transferts de fichiers de texte doivent obéir à d’autres règles et les fichiers d’images animées ont leurs propres contraintes. Or, Internet transportant des flux très différents au même moment peut sans doute détériorer des performances de certains types de trafic contigus et simultanés. Une tarification et un accès unique n’ont de sens que lorsque les ressources disponibles sont illimitées. Mais le jour où ce type d’offre commerciale a atteint l’effet de masse critique recherchée, il faut s’orienter vers un autre modèle d’offres, plus segmentées, répondant à des critères garantis et adaptés aux types de trafic. Ce nouvel état de chose est plus difficile à gérer, car chaque type de trafic doit disposer d’un tarif équilibré et se trouve lié à ses propres investissements pour les développements futurs estimés. La gestion d’ensemble devient alors plus complexe, mais elle n’est pas impossible.
Et derrière le mur de la semaine qui vient ?
Il est possible de se risquer à tracer les grandes lignes de l’avenir proche relatif à l’Internet. Plusieurs projets sont en préparation sur ce qu’il est convenu d’appeler "l’Internet-2", même si les objectifs visés par ce nouveau réseau peuvent être différents. Les marchés réclament d’ailleurs d’urgence l’ouverture de réseaux IP sécurisés pour les relations bancaires et financières (une autre architecture de réseau IP serait nécessaire). Les experts du projet de Grille d’énergie (Smart Grid) souhaiteraient ouvrir leurs travaux de distribution d’énergie sur les bases d’un modèle de réseau IP adapté à leurs propres critères de développement (mais avec un IP plus simple). Enfin, ce sont les chercheurs en ITS (Intelligent Transport Systems) qui ont découvert que les infrastructures routières avaleront avec beaucoup de difficultés les super mégaflots de données générés autour des autoroutes par les divers types de communications nécessaires aux véhicules – voir Actualités. Un réseau IP dédié et des fréquences radioélectriques réservées pourraient constituer une solution et dans ce cas, la Neutralité des réseaux devrait recevoir une nouvelle définition. Que faire, en effet le jour où, compte tenu de la croissance du trafic, le nombre de radeaux dépasse la surface du gué de la rivière ? Comment faire passer les clients si les radeaux sont bloqués par leur propre trafic ?
En conclusion, il semble que la notion de neutralité de réseau devra être révisée à l’occasion de la mise en place des nouvelles versions de réseaux Internet nécessitées par le volume et la diversité des nouveaux usages de demain.
Proposition de définition : Neutralité de réseau – La gestion d’un réseau de service public doit être guidée selon l’intérêt général, afin d’éviter les excès de type commercial, politique ou religieux. La neutralité de réseau s’interprète comme une obligation qui s’impose à tous et qui garantit l’égalité de traitement de tous les flux de communication. Ce principe exclut ainsi toute discrimination à l’égard de la source, de la destination ou du contenu de l’information transmise sur le réseau. La neutralité de l’Internet s’exerce donc en principe à l’égard des réseaux, des contenus, des usages et des outils. Elle doit prendre en compte les caractéristiques des différentes classes de trafic (voix, données, images fixes ou animées, signalisation, etc.).
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