Le protocole IPv6 est né il y a dix-huit ans. Il était déjà visible à cette époque que l’Internet allait manquer d’adresses. La stratégie d’introduction d’IPv6 n’a pas été conforme aux prévisions de ses concepteurs et personne ne peut imposer l’usage de cette norme. Au lieu d’une transition douce basée sur la mise en place d’une double pile de protocoles compatibles, le conservatisme du monde des réseaux a prévalu. La transition IPv4 vers IPv6 est de plus en plus urgente et elle paraît devenir plus complexe. Faudra-t-il attendre les calendres grecques pour disposer d’un réseau IPv6 unique et global ?
La pénurie d’adresses IPv4 par continent
L’IANA (Assigned Names and Numbers Authority) a distribué ses derniers stocks d’adresses IPv4 et elle a cessé ses activités en 2010. L’APNIC a épuisé ses propres adresses IPv4 pour les usages en Asie-Pacifique en avril 2011, et le RIPE se trouvera sans doute dans la même situation pour l’Europe en juin ou juillet 2012. En 2013, l’Amérique du Nord devra à son tour faire face à la pénurie, devançant l’Afrique et l’Amérique Latine, pour lesquelles la date butoir pourrait se situer en 2014. Malgré la nécessité de la transition, la plupart des exploitants, des entreprises et des utilisateurs n’y sont pas encore préparés.
IPv6 déçoit !
Le protocole IPv6 apporte pourtant un champ d’adressage plus large, ce qui devrait faciliter la fluidité de trafic IP et éviter l’emploi d’équipements de traduction d’adressages (NAT). De plus, IPv6 devrait permettre la création de nouvelles applications au sein de sous réseaux adressables. Hélas, on notera, pour mémoire, que sur le plan de la sécurité, l’emploi de IPsec en IPv6 est devenu facultatif.
Or, si l’on croit les experts de Wikipedia, il semble que la phase de transition vers IPv6 a été mal évaluée. Les coûts en ont été minimisés et l’adaptation de certains protocoles est jugée aujourd’hui incomplète. La transition IPv4 vers IPv6 suppose des investissements non négligeables dans les réseaux fixes et il semblerait que les bénéficiaires les plus évidents de cette mise à hauteur pourraient être les gestionnaires d’applicatifs nouveaux, par exemple, dans le cadre de la mobilité. Les experts de Wikipedia évoquent des possibilités de délais anormaux de connexion lors de l’accès à des serveurs qui disposent à la fois d’une adresse IPv6 et d’une adresse IPv4, l’adresse IPv6 étant utilisée en priorité avant de recourir à l’adresse IPv4 après un délai déterminé. En 2011, on a constaté un certain partitionnement de l’Internet IPv6, ainsi que des impossibilités de communication en IPv4 comme en IPv6. Et l’usurpation d’adresse IP demeurera encore relativement facile en IPv6.
Les raisons du freinage au passage en IPv6
La pratique de l’allocation des adresses IP et du routage inter domaine (CIDR) en 1993 et l’usage immodéré des traductions d’adresses IP par les NAT (network address translation) ont permis jusqu’ici de faire face à la pénurie d’adresses IP. Ce qui explique qu’en Octobre 2011, seulement 3 % des noms de domaines et 12 % des réseaux Internet utilisent le protocole IPv6. Et pourtant, les DNS en IPv6 peuvent être utilisés sur Google depuis 2008 !
La mise à hauteur des anciens équipements IPv4 peut se révéler impossible, soit du fait du constructeur, de l’équipement lui-même ou du logiciel nouveau à implanter. Pour les équipements nouveaux, les fournisseurs de contenu ou d’accès évoquent les aspects des coûts, de rentabilité, le risque d’un défi technique aux effets "boomerang", etc.
Les marchés décisifs : les nouveaux mobiles et la télévision connectée
Tous les terminaux de communication mobile 3G ne disposent pas encore de processeurs capables d’établir des connexions en IPv6. Il leur faudrait disposer des deux piles de protocoles (IPv4 et IPv6) et il faudrait que les applications soient exploitables dans les deux versions. Le principal problème consiste à être en mesure de garantir les mêmes fonctionnalités et la même qualité de service en IPv6 qu’en IPv4 afin de ne pas décevoir le public. Les FAI et les exploitants de réseau doivent se résoudre un jour à franchir le pas en coordination avec les fabricants de terminaux. Rien n’interdit de penser qu’un franc-tireur se lancera dans l’aventure. De toute façon dès la rupture du stock d’adresses IPv4, les terminaux mobiles et les nouveaux accès de télévision connectée disposeront d’un adressage IPv6. Les applicatifs forceront la main aux exploitants de réseau. Mais auparavant, il faut faire des essais. Pourquoi ne pas commencer par la Corse ? En filaire, en fibre optique et en radio, si la Corse passe en IPv6 en totalité, on réalise une expérience en grandeur nature avec un minimum de paires de routeurs convertisseurs de protocoles. L’île de Malte a bien été le premier territoire à disposer d’un réseau entièrement numérique !
Le cas de la France
Comme pour tout ce qui concerne les technologies de pointe, la France est présente en IPv6, notamment sur les aspects académiques (cœur de réseau académique RENATER en 1996 et 2002), ainsi que pour la rédaction d’une proposition de développement rapide du passage en IPv6 (normalisée "6rd" par l’IETF). Et des hébergeurs et fournisseurs d’accès français offrent déjà un service IPv6 : Nerim (2003), Free (2007 et 2011), French Data Network (2008), Orange Business Services (2009 et 2012), OVH et SFR (2011). L’enquête conduite par le CIGREF auprès des entreprises utilisatrices a rappelé la difficulté de trouver les motivations permettant de déployer IPv6. Selon le CIGREF, le projet de passage à IPv6 est d’une ampleur comparable au passage de l’informatique d’entreprise à l’année 2000.
L’état actuel de l’Europe
Le déploiement de l’IPv6 peut être valablement observé à partir de l’activité en IPv6 des LIR. Un LIR (ou local Internet Registry), est un registre Internet local, organisme disposant d’une allocation d’adresse IP d’un registre Internet régional (Regional Internet Registry, RIR) en vue d’assigner ces adresses à des clients. Un LIR est membre du RIR de sa région et il est généralement un fournisseur d’accès à Internet. En 2011, la France disposait de 355 LIR sur son territoire, 253 autres LIR étant établis dans un autre pays. En Europe, 47 % des LIR disposaient d’espaces d’adresses en IPv6 et 29 % des LIR avaient des espaces d’adresses IPv6 visibles dans la table de routage globale. Ce qui est encourageant, mais contraste avec les chiffres relatifs au déploiement de l’IPv6 chez l’usager (1,40 % selon Google et 2 % selon RIPE) ou même avec le trafic IPv6 enregistré (0,3 %).
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