Ethernet est un réseau local d’entreprise (LAN) en mode paquet, né dans les années 1970, qui a évolué constamment, dans ses couches de protocole, en architecture comme en débit binaire. En raison de son prix de revient et de ses facilités de gestion, il représente près de 80 % des LAN en service dans le monde. Il s’interconnecte avec tous les réseaux numériques comme un réseau d’accès et il offre des services variés à un prix économique. Le besoin en nouveaux services justifie les développements de la technologie Ethernet.
I - Introduction
L’évolution constante d’Ethernet peut créer des malentendus, compte tenu du nombre de variantes existantes. Nous distinguerons ici l’Ethernet "natif" (celui qui est utilisable en LAN, à courte distance), de l’ "Ethernet de classe exploitant de réseau" (Carrier Grade Ethernet, CGE) qui est adapté aux liaisons à grande distance (WAN). Chaque étape de l’évolution d’Ethernet n’assure pas toutes les fonctions des nouvelles réalisations (de l’Ethernet à 10 Mbit/s au Gigabit Ethernet ou à 100 Gbit/s) et bien entendu, chacune d’elles ne peut porter tous les services acceptés par la version la plus récente. En 26 ans, le Comité 802.3 de l’IEEE a rédigé vingt quatre normes relatives aux évolutions Ethernet, car il s’est donné pour mission d’assurer la compatibilité ascendante avec les milliers de produits 802.3 à 10 Mbit/s existants, plutôt que de créer de nouveaux systèmes incompatibles.
De nombreuses évolutions des besoins modifient la nature des services de communications, telles que la virtualisation et les applications de Cloud Computing. La virtualisation contribue à faire passer les ressources informatiques de la connectivité de type réseau local (LAN) à un réseau de fournisseur de service d’application ou d’exploitant de réseau.
II - Evolution des normes et de l’architecture Ethernet
Année
Norme IEEE
Observations
1983
802.1 - 802.3
CSMA/CD à 10 Mbit/s
1986
802.3c
Hub segmentation
1990
802.1D
Switched Ethernet
1995
802.3u
Fast Ethernet (100 Mbit/s)
1997
802.3x
Full Duplex
1998
802.3z
Gigabit Ethernet
2000
802.3ad
Link aggregation (LACP)
2002
802.3ae
10 Gigabit Ethernet
2010
802.3ba
100 Gigabit Ethernet
Figure I - Quelques étapes de la normalisation d’Ethernet
Ethernet est un réseau local d’entreprise qui s’est adapté successivement à un support en câble coaxial mince (câble Ethernet), aux paires de cuivre torsadées (Unshield Twisted Pair) et aux fibres optiques monomodes (1 310 et 1 550 nm) et multimodes (850 nm). Les références 10Base T (10 Mbit/s sur UTP en bande de base - Manchester différentiel), 10Base F (10 Mbit/s sur fibre optique), 100Base (100 Mbit/s), 1000Base (1 Gbit/s) et 10GBase (10 Gbit/s), etc. identifient la capacité de transport du système. Sa topologie offre aujourd’hui plusieurs variantes (liaison directe, arbre, boucles, etc.).
Ses protocoles sont répartis en deux couches, la couche PHY (couche d’adaptation au support physique) et la couche MAC (Media Access Control). La liaison au réseau général est assurée au-dessus de la couche MAC par l’IEEE802.2 (LLC802.2) et confère à l’ensemble l’équivalence des couches 1 et 2 du modèle ISO. Les couches MAC et LLC assurent le fonctionnement des ponts ainsi que la gestion des échanges.
L’Ethernet dit "natif" est normalisé par le Groupe 802.3 de l’IEEE, par l’ISO/CEI (8802.3) et par l’EFM (Ethernet in the First Mile). L’Ethernet "de qualité exploitant de réseau" (CGE) ou "True Carrier Ethernet" est utilisable sur les réseaux métropolitains ou à grande distance. Il est normalisé par l’IEEE, par l’IETF, par le MEF (Metropolitan Ethernet Forum) et l’UIT-T (séries de Rec. G.8000/Y.1300). G.8000/Y.1300).
III - Les LAN Ethernet "natifs"
3.1 - Evolution et caractéristiques
En 1972, Xeros lança le LAN Ethernet à 2,94 Mbit/s sur un bus coaxial avec le protocole d’accès CSMA/CD (porteuse à accès multiple avec détection des collisions des messages). Puis le débit a été augmenté (de 10 Mbit/s en 1983, avec la norme IEEE802.3), jusqu’à l’Ethernet à 100 Gbit/s. Le débit annoncé correspond à celui de la couche MAC, le débit réel devant être majoré en fonction du codage effectué par la couche PHY. Certains LAN Ethernet ont aujourd’hui quitté le CSMA/CD utilisé autrefois sur les petits câbles coaxiaux, pour adopter le CSMA/CA (Collision Avoidance). Des évolutions successives ont apporté à l’Ethernet la segmentation (1986), puis la commutation (802.1D en 1990), le mode duplex (802.3x en 1997), etc.
L’amélioration de la couche MAC a incorporé ces transformations avec l’agrégation de ligne, le contrôle de flux, la définition des classes de trafic, le service des LAN virtuels, etc. La topologie de l’Ethernet a également évolué de 1998 à 2004, avec les Spanning Trees Protocoles (STP, RSTP et MSTP), la structure en arbre évitant les boucles d’acheminement.
Ethernet commuté - La nécessité de liaisons entre LAN a imposé une couche MAC qui permette la communication grâce à des ponts et des commutateurs. Les commutateurs disposent d’une couche MAC sur chaque accès et les équipements utilisent une table des adresses en référence (SAT, Source Address Table). Si l’adresse de destination d’une trame sortante ne figure pas sur la SAT, le commutateur agit comme un répéteur de niveau 1 et envoie une copie de la trame sur tous les accès de sortie (flooding). Les cartes du commutateur créent leur propre "domaine de collision" et leurs propres règles, afin d’éviter les incidents d’écoulement de trafic.
Mode Duplex - L’exploitation en mode duplex est réalisée par la mise en place de parcours dédiés entre les nœuds.
Contrôle de flux - Le récepteur freine l’entrée du trafic en envoyant des trames de "pause".
STP - L’objectif du protocole du pont transparent en STP (Spanning Tree Protocol), en RSTP (Rapid STP), ou en MSTP (Multiple STP) est de définir une topologie d’acheminement logique afin d’éviter les accidents de congestion de trafic (exemples des "orages" de diffusion). STP observe en permanence l’état du réseau pour reconstruire un nouvel arbre d’acheminement en cas de rupture d’un lien. Son temps de recherche est de 30 s et celui de RSTP est inférieur à 300 ms.
Agrégation de liaison - STP permet d’augmenter le débit entre plusieurs nœuds adjacents du réseau par multiplexage inverse. La Rec. G.998.3 de l’UIT-T décrit une méthode pour associer le débit de différents services de données en Ethernet, de plusieurs lignes numériques d’abonnés (SHDSL, ADSL2 ou VDSL-1) sur ATM et TDM, en utilisant un multiplexeur inverse temporel (TDIM) en accord avec la norme IEEE 802.3ah et de celles de l’EFM.
Classes de trafic - Un commutateur 802.1Q/p est capable d’identifier et de traiter jusqu’à huit niveaux de priorité au sein d’une file d’attente.
Le Power over Ethernet (ou PoE, IEEE802.3af) permet de faire passer une tension de 48 V en plus des données à 100 Mbits sur une des paires de fils inutilisés que contient un câble UTP ou STP afin d’alimenter des téléphones IP, ou des appareils périphériques.
Extension des débits - De 1 à 10 Gbit/s les formats de débits en Ethernet et en SDH sont similaires et l’usage en DWDM est facile (une vingtaine de fournisseurs mondiaux sont accessibles). De 40 à 100 Gbit/s, les trames Ethernet sont différentes de celles de l’OTN et les câblages, les fréquences et les connecteurs ne sont plus compatibles.
3.2 - Les défauts de l’Ethernet natif sur le plan du transport
Ethernet natif n’est pas adapté au transport de données à grande distance et sa méthode d’apprentissage des adresses y est inutilisable.
La reconfiguration d’un réseau Ethernet après incident, même avec RSTP et MSTP, ne serait pas possible dans un WAN.
L’Ethernet ne dispose pas de capacités d’exploitation et de maintenance utilisables dans un WAN.
L’Ethernet natif ne dispose pas de ressources capables de gérer l’authentification des utilisateurs, la sécurité, et les synchronisations de temps et de fréquence
IV - Ethernet à grande distance (CGE, Carrier Grade Ethernet)
4.1 - Les normes
Le MEF a jeté les bases de la technologie Carrier Grade Ethernet (CGE) en établissant cinq critères la distinguant du LAN Ethernet : services standardisés, évolutivité, fiabilité, qualité de service et gestion des services. Ces attributs fournissent les capacités de classe exploitant pour convertir le LAN Ethernet traditionnel en technologie adaptée au déploiement chez les fournisseurs de service Metro et dans les réseaux étendus (MAN et WAN). Les fournisseurs peuvent utiliser des services métiers CGE pour offrir ces capacités tout en minimisant leurs coûts comparés aux autres technologies.
Le MEF a également défini trois types de services associés aux services CGE : les services E-Line qui garantissent une connexion point-à-point sécurisée entre deux sites client, les services E-LAN qui permettent l’extension d’un LAN métier sur plusieurs sites et le service émergent E-Tree qui prend en charge des services à destination multiple, tels que la télévision par IP (IPTV). Le CGE permet aux exploitants d’optimiser le débit nécessaire par la prise en charge des services sur toutes les topologies et pour tous les différents formats d’encapsulation en tunnel. Ethernet CGE prend en charge 802.1ad Provider Bridging et il est à même de fournir et de transporter des services CGE utilisant les technologies MPLS/ H-VPLS et PBB-TE, avec des capacités de restauration de type SDH de 50 ms. Grâce à la prise en charge de ces technologies importantes, Ethernet CGE permet aux exploitants d’optimiser les investissements réseau existants et d’agréger les services. Sur le plan de la gestion de service, CGE améliore le temps de découverte des éléments de réseau et des ressources ainsi que le temps d’activation des services et des tunnels. Cette capacité permet une mise en service rapide et précis de services souples.
L’Ethernet "de qualité exploitant de réseau" (CGE) utilise une infrastructure qui, tout en gardant la compatibilité avec les protocoles Ethernet et l’architecture des LAN au niveau 2, permet le transport des trames de bout en bout en tenant compte des cinq objectifs suivants : extensibilité, résilience du réseau, qualité de service, exploitation / maintenance (OAM) et sécurité. L’Ethernet sur WAN (CGE) permet de mettre à la disposition des entreprises un service de données à débit variable compatible avec le trafic de leurs LAN Ethernet.
4.2 - Extensibilité
L’objectif visé à ce propos concerne la possibilité de connexion à un moment donné de centaines de milliers d’utilisateurs vers les mêmes adresses de service. Les deux modifications principales suivantes ont été introduites dans l’architecture de transport du CGE :
Passer du modèle sans connexion du STP à des tunnels multiples orientés connexion ;
Remplacer l’apprentissage des adresses distribuées à une configuration centralisée de parcours.
Les protocoles VPLS permettent d’encapsuler des trames Ethernet sur un réseau WAN d’exploitant en IP MPLS. Il est donc possible pour un exploitant de fournir des services Ethernet CGE et des services IP MPLS sur la même infrastructure MPLS. L’avantage pour les entreprises clientes est d’avoir le choix entre un réseau niveau 2 et un réseau niveau 3 en fonction de leur besoin. L’exploitant de réseau offre du CGE en s’appuyant sur son réseau optique international et sur ses points de présence dans les différents pays pour fournir à ses clients une connectivité totale en Ethernet.
L’introduction de sous couches hiérarchiques de niveau 2 utilise des VLANs (802.1Q), des ponts fournisseurs (Provider Bridges, 802.1ad) et des ponts de fournisseurs de réseau (PBB, Provider Backbone Bridge, 802.1ad), ce qui allonge la trame Ethernet originale par les processus d’encapsulation et d’étiquetage, mais assure la compatibilité d’exploitation. Les PBB permettent de gérer 16 millions de requêtes sans saturation des champs. Les premiers réseaux Ethernet sont à l’origine de la notion de "réseau privé virtuel" (VPN) qui permet d’associer étroitement certains abonnés dans des groupes privilégiés (ce qui crée un réseau privé au sein d’un réseau plus grand). Cette facilité a été reconduite dans les nouveaux réseaux Ethernet parce qu’elle est à la fois utile aux exploitants de réseau et à beaucoup d’entreprises utilisatrices.
4.3 - Résilience
La "résilience" se définit comme la capacité d’un réseau à pouvoir détecter les pannes, à restaurer une qualité de service suffisante ainsi que la continuité des liaisons indispensables en un temps très court (50 ms dans le cas de la SDH) et d’assurer une fiabilité, dite des cinq 9 (99,999 %), identique à celle des WAN. La coordination des entités de normalisation a permis de définir des fonctions d’exploitation et de maintenance (OAM) suffisantes pour assurer, dans le CGE, la découverte automatique des événements (détection, vérification, localisation et notification des défauts), la gestion des pertes de connexion (Connectivity-Fault Management - CFM), et l’amélioration des mécanismes de restauration (Rec. Y.1731 et G.8031 de l’UIT-T, notamment).
4.4 - Qualité de service du CGE
L’architecture et l’usage de la commutation permettent d’établir des connexions virtuelles Ethernet (EVC) entre les interfaces UNI (entre le réseau à grande distance et l’Ethernet de l’usager). Les UNI sont chargées de mettre en place les ressources liées à la qualité de service de données demandée, les fonctions des plans de commande et de gestion à la fois du côté réseau et du côté abonné. Un EVC est en fait un ensemble de flux de trames qui suivent les mêmes règles des envois et qui assurent la connexion entre deux UNIs ou davantage. Trois types de connexions sont possibles : le point à point (PtP), le multipoint à multipoint (MPtMP) et le point à multipoint (PtMP).
• Dans le cas du PtP, une E-Line réunit deux UNIs, soit par une liaison privée Ethernet (EPL), soit par une liaison privée virtuelle (EPVL).
• Le MPtMP fournit un E-LAN qui offre un service transparent aux utilisateurs, dont ceux des VPN.
• Le PtMP est semblable à un G-PON, et fournit un service de E-Tree (réseau Ethernet en arbre).
Les performances, les profils en débit, les classes de service (avec ou sans priorité), le groupage (bundling), la sécurité ; la remise des trames, etc. sont définies par un ensemble de normes fournies par l’IEEE, le MEF et l’UIT-T.
4.5 - Exploitation et maintenance (OAM)
La Rec. Y.1731 de l’UIT-T définit pour le CFM une architecture hiérarchique à huit niveaux de gestion qui permet aux exploitants de réseau, aux fournisseurs de service et aux utilisateurs de disposer de leur propre domaine de maintenance (MDs) s’insérant chacun dans un ensemble coordonné. Dans les trois configurations citées au point 4.3, se trouvent définis les domaines de maintenance d’extrémité (Maintenance End Points, MEP) et les nœuds de maintenance intermédiaire (MIPs). Le format de la trame d’exploitation et maintenance du CFM défini par la Rec. Y.1731, est partitionné en champs spécifiques correspondants aux MD, MEP et MIPs et aux fonctions OAM.
De cette façon, le CGE peut assurer les fonctions suivantes : vérification de la continuité, mémorisation du support de la couche liaison, messages de retour (loopback), signalisation en cas d’alarme, canal de communication de maintenance, affaiblissement, retard, variation du temps de transmission, etc. Les Rec. G.8261, G. 8262 et G.8264 de l’UIT-T fournissent des solutions de synchronisation de la couche physique (Synchronous Ethernet).
4.6 - Sécurité de fonctionnement
Le CGE est ainsi en mesure d’assurer les fonctions de protection et de restauration des connexions grâce à l’enrichissement de ses fonctions et des possibilités de reconfiguration de sa topologie (le temps de reprise varie entre une et 60 secondes). La coordination des mesures de reprise en commutation bidirectionnelle peut être améliorée avec les dispositions de la Rec. G.8031 (avec le protocole APS, Automatic Protection Switching, sur trames OAM). Plusieurs solutions propriétaires sont également proposées sur le marché.
Le protocole "Ethernet Ring Protection Switching" (ERP), défini par la Rec. G.8032 de l’UIT-T, permet au CGE de tirer partie des ressources des topologies de réseau en anneau sur le plan de la sécurité de l’acheminement.
V - Conclusions
La diffusion des LAN Ethernet nécessitait de simplifier les communications de LAN à LAN en utilisant les supports numériques des réseaux publics, porteurs de PDH, SDH, ATM, OTH (Optical Transport Hierarchy), de MPLS et de RPR (Resilient Packet Ring). L’ATM a déçu son public et ses fondateurs, car elle ne s’est pas implantée durablement dans les réseaux locaux et les entreprises souhaitaient disposer de liens numériques correspondant à leurs attentes (accès à des débits variables, connexions multipoints sans terminaison au Central, services multiples à coûts réduits, etc.).
Le protocole G-MPLS pourrait aussi permettre probablement la mise en œuvre de procédés rapides de restauration (quelques dizaines de ms avec le protocole Fast ReRoute, FRR), ce qui demeure encore à évaluer techniquement et économiquement.
Le service EVPL (Ethernet Virtual Private Line - Dynamic Bandwidth) ouvert récemment par Verizon Business, montre que des débits variables peuvent être offerts aux entreprises et que Ethernet peut être ajusté à leurs besoins dans un court délai par intervention sur le site Internet de la gestion de réseau de l’exploitant (18 débits normalisés sont disponibles sur la liaison d’accès). L’intérêt suscité par ces différents développements incite les laboratoires de recherche à ouvrir de nouvelles voies pour Ethernet, y compris dans le domaine radioélectrique.
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