Sous la pression des nouvelles technologies et de la concurrence commerciale, les architectures de réseau ont évolué. Une vue générale de cet ensemble permet d’en comprendre néanmoins la complexité de structure et de gestion.
1 - Réseaux et architectures de réseau
Pour bien appréhender l'écheveau complexe que constituent les architectures de réseau et les réseaux eux-mêmes, il faut séparer ce qui appartient à l'histoire et ce qui relèvent des nouvelles technologies, telles que nous les connaissons aujourd'hui. Jusqu'à un passé récent, les réseaux de communication se partageaient en réseaux téléphoniques (RTPC, RNIS, liaisons louées), réseaux télégraphiques, réseaux publics (ou privés) de données, réseaux de messagerie et réseaux de transport et de diffusion d'images télévisuelles, liste à laquelle on peut aussi ajouter les réseaux internationaux à valeur ajoutée (VANs), auxquels Internet peut être rattaché.
Ces six catégories de réseau offrent des services qui leur sont propres. Ils sont constitués sur un même modèle constitué de la coordination d'un ensemble de moyens de raccordement (aujourd'hui appelé "réseau d'accès" décrit dans le DT 01) et d'un réseau de transport à grande distance (appelé hier " réseau de haut niveau "et dénommé aujourd'hui" "réseau fédérateur" ou WAN).
Figure 1 - réseau d'accès et réseau de transport
Dans l'ancienne conception de réseau, les six types de réseau cités disposaient de leur propre technologie de raccordement dans le réseau d'accès. Au centre local, des équipements d'interfaces étaient prévus en transmission et en commutation pour assurer la connexion de ces accès vers leur réseau de transport spécialisé, l'économie et la gestion globale faisant au mieux pour ne pas pénaliser les prix de revient par des occupations en débit (ou en bande passante, dans le cas de la transmission analogique) trop onéreuses. En principe, six types de réseau de transport étaient gérés en parallèle en national et interconnectés sur leurs liaisons internationales correspondantes.
L'ensemble de ces moyens techniques liés aux réseaux de transport et d'accès est appelé "architecture de réseau". Cette infrastructure comprend donc des équipements de transmission et de commutation et des supports de communication associés aux conducteurs métalliques (paires ou quartes métalliques ou câble coaxial), aux fibres optiques, et aux moyens radioélectriques.
Figure 2 - Structure des réseaux
L'évolution technologique qui se déroule sous nos yeux tend à conserver la dualité "réseau d'accès" et "réseau de transport", mais à fondre en une seule entité les spécificités de services ou applications offertes par les six catégories de réseaux évoqués ci-dessus. Cette tendance ne semble pas encore avoir atteint son terme et nous vivons donc avec des structures de réseau qui appartiennent à l'ancienne architecture, alors que de nouveaux éléments apparaissent.
2 - Analogique et numérique
Deux grandes familles de multiplexage sont utilisées dans les infrastructures de réseaux : l'analogique et le numérique. Les deux techniques ont leurs propres caractéristiques (voir DT 13). Elles sont complémentaires et peuvent, dans certains cas, être associées.
Le multiplexage analogique utilise l'échelle des fréquences. Le multiplexage numérique utilise l'échelle des temps. La limitation de la portée des groupes analogiques multiplexés provient de l'affaiblissement subi par la bande de fréquences transmise sur le support et du bruit collecté le long du parcours. Le principe du multiplexage analogique est appliqué en plusieurs occasions : constitution du groupe primaire analogique, création de la hiérarchie des groupes analogiques, transfert d'un groupe en vue de sa transmission dans un spectre de fréquences plus élevé (bande de fréquences des faisceaux hertziens, d'un câble sous-marin, ou de celle d'un satellite), etc. La dégradation d'un signal analogique n'est pas récupérable.
La technique numérique suppose un codage préalable de l'information. L'avantage du numérique réside dans son immunité au bruit et dans l'association économique des opérations de commutation et de transmission dans le réseau. Un réseau totalement numérique est donc beaucoup moins coûteux, de meilleure qualité et plus fiable qu'un réseau analogique.
3 - Commutation de circuits et de paquets
Pendant près d'un siècle, les réseaux nationaux de télécommunications ont été construits sur le principe d'une hiérarchie arborescente de centres, d'équipements et d'artères linéaires fonctionnelles effectuant la commutation et le transport des signaux vocaux. L'objectif fondamental qui a conduit à cette mise en oeuvre était l'économie de la transmission et la constitution d'un réseau maillé de transport basé sur la commutation de circuit. L'engorgement des artères y est limité grâce à des dispositions relatives au trafic de débordement. Chaque abonné est relié au central téléphonique par une paire de conducteurs qui lui était affectée en permanence. Le réseau d'accès, de type linéaire, permet à l'appel de l'abonné de traverser le réseau de transport pour accéder au terminal du correspondant. Ce concept n'avait jusqu'ici pas été remis en cause dans un contexte de disponibilité de supports métalliques et hertziens pour la transmission de services principalement orientés vers le transport de la parole. L'inconvénient de ces dispositions conduit, pour établir un seul circuit, à mettre en série des centaines de contacts et des dizaines d'équipements, avec un rendement inférieur à 43 % du temps, ce qui pénalise la fiabilité de l'ensemble et le prix de revient. La demande croissante en débit justifie l'évolution des structures et des capacités du réseau de transport et du réseau d'accès en utilisant les ressources de la technique numérique et des ressources de la commutation de données par paquets.
4 - Évolution des concepts relatifs au transport
La fibre optique permet des débits bien plus importants que ceux que l'on peut obtenir sur un support de transmission en cuivre ou par voie radioélectrique (voir DT 15). Vers la fin des années 80, la technologie a ouvert des possibilités importantes dans les technologies de commutation rapide de paquets constitués en trames ou en cellules (groupes définis de données numériques). Puis sont apparus les systèmes de transmission SDH (hiérarchie numérique synchrone) et ATM (mode de transfert asynchrone), très économiques et d'une fiabilité par liaison 100 fois supérieure aux systèmes antérieurs. Ces réseaux large bande (B-ISDN, pour Broadband Integrated Services Digital Network) répondent aux exigences de la recherche d'informations dans les grandes bases de données multimédias ou celles des séquences vidéo. La perspective de très grandes capacités, jointe à une bonne qualité de la transmission numérique, a suggéré une agglomération des services voix/données ainsi que l'organisation de la fonction transport sur double anneau de fibres sécurisées, de sorte qu'aux hiérarchies linéaires des liaisons se substituent des hiérarchies de doubles anneaux entrelacés en technologie SDH.
5 - Réseau métropolitain
Le réseau métropolitain (MAN, Metropolitan Area Network) se place entre les réseaux d'accès et le réseau de transport à longue distance (WAN, Wide Area Network). Le MAN agrège les flux numériques dans un environnement multiprotocole en utilisant un étiquetage (MPLS, Multi Protocol Label Switching, par exemple) pour l'acheminement vers le coeur du réseau de transport à partir des différentes demandes en trafic sollicitées par le réseau d'accès et réciproquement. Un MAN peut être exploité en réseau maillé ou en réseau en anneau. Il peut mettre en oeuvre des protocoles sur des courtes distances (Ethernet, PON, etc.). Les plaques MAN sont constituées de matrices de commutation et d'équipements de multiplexage. Certains centres des plaques MAN sont dédiés à l'agrégation côté réseau cour optique (en WDM, en SDH, IP, VP-VC en ATM), alors que d'autres sont adaptés aux structures des réseaux d'accès (Ethernet, xDSL, LMDS, etc.). Ces deux catégories de centres sont reliées entre elles par des fibres optiques, la supervision étant assurée par des passerelles optiques multiservices. Le WDM confère aujourd'hui aux MAN optiques la flexibilité, la compatibilité, la compacité, la modularité des liens et la protection optique considérée sous l'angle de la sécurisation et de la redondance.
6 - Les nouveaux réseaux de transport
Les grands exploitants cherchent à élargir leur domaine d'action, d'une part sur le plan géographique en nouant des accords techniques ou commerciaux, d'autre part, en associant les plans d'activité filaire, les mobiles, l'audiovisuel et l'accès à Internet. La fusion de ces domaines assure des synergies de service sur le plan national et international. La politique tarifaire doit être suffisamment souple pour s'adapter à la variété des contingences nationales, aux habitudes des clientèles et à la dualité voix et données.
6.1 - Fibre optique
Les exploitants disposent d'une couverture en fibre optique avec sécurisation. Chacune des boucles optiques peut transférer 80 Gbit/s et la capacité totale d'une boucle peut atteindre 1,2 Tbit/s sans pose supplémentaire.
Des associations d'exploitants ont réalisé un vaste plan d'investissement en fibre optique en Europe. Des réseaux pan européens sont reliés au réseau nord américain par câbles sous-marins. Ces fibres optiques portent des canaux en SDH et ATM pour des utilisations en protocole IP ou en relais de trame.
6.2 - Liaisons par satellite
Tous les exploitants de réseau, câblo-opérateurs et diffuseurs de programmes télévisuels utilisent des canaux de transmission satellitaire. Les différents systèmes de communication mis en oeuvre sur ces satellites dépendent du nombre de circuits à établir entre les différentes destinations et la France.
6.3 - Faisceaux hertziens
La plupart des faisceaux hertziens sont aujourd'hui de type numérique. Ils sont utilisés pour les besoins du transport de la télévision ou pour fournir des liaisons pour la téléphonie mobile. Des petits faisceaux hertziens régionaux et urbains complètent les infrastructures en câbles.
6.4 - Câbles métalliques
La plupart des liaisons coaxiales analogiques ont été remplacées par des fibres optiques. Des liaisons régionales et urbaines en MIC sur paires ou sur quatre métalliques sont encore utilisées.
6.5 - Câbles coaxiaux
Ils sont utilisés sur les réseaux câblés pour les besoins de la diffusion télévisuelle (voir DT 05).
7 - Systèmes de transmission WAN
En France, la transmission est entièrement numérique et s'effectue principalement en double boucle SDH sur fibre optique. La normalisation permet aussi aux liaisons des réseaux numériques MIC de s'interfacer au besoin avec les systèmes ATM et SDH.
Les techniques nouvelles de transmission et la nécessité de disposer de plus hauts débits ont imposé le renouvellement des liaisons interurbaines. L'architecture de réseau cesse d'obéir aux règles d'arborescence classique pour respecter une structure en double boucle optique apportant la sécurité par un double accès à tous les niveaux. Un réseau sémaphore, distinct des circuits de parole et basé sur les principes du réseau intelligent assure le transport d'une signalisation plus riche entre commutateurs. Les protocoles SDH et ATM permettent de réduire les coûts de multiplexage et de gestion. Les nouvelles dispositions conduisent, à terme, à une réduction du nombre de centres du réseau national, à une amélioration de la qualité et à une augmentation de la disponibilité des liaisons. Les protocoles classiques (RNIS, X.25 et relais de trames) continuent d'être offerts à la clientèle.
8 - Économie de la transmission
Les coûts de transport supportés par une communication comprennent ceux du support et du multiplexage. Ils peuvent s'exprimer par la relation de la forme suivante :
La formule comporte autant de termes que de sections de circuits traversées par la communication. Chaque section de circuit a une longueur D (en km). Elle est terminée par un couple de multiplexeurs/commutateurs traitant N circuits. La technologie actuelle mettant en cause des multiplexeurs plus coûteux que le prix kilométrique du transport, les effets de la distance deviennent marginaux par rapport aux fonctions de commutation et de brassage. Il est donc nécessaire de tenir compte de ce résultat dans l'organisation du réseau en allongeant au besoin le parcours des connexions et en réduisant le nombre M de points de brassage multiplexage. Les liaisons de petite capacité sont réservées aux courtes distances (à l'intérieur de la zone locale) et les liaisons à forte capacité sont dévolues aux parcours les plus longs. Toutefois, les impératifs de sécurité conduisent à pondérer ces règles. Il faut garder une marge de capacité disponible afin d'éviter les rappels successifs en cas de liaison occupée et afin de pouvoir faire face à une éventuelle surcharge de réseau, les engorgements d'accès ayant une fâcheuse tendance à se répercuter d'un centre à un autre (effet " boule de neige "). Il est aussi nécessaire de disposer de liaisons de secours (soit en toute propriété, soit par négociation avec un exploitant international concurrent). Les équipements d'observation de trafic et de gestion de réseau sont de ce point de vue des outils indispensables.
9 - Cas des liaisons internationales
Dans les relations internationales, les stratégies bilatérales d'hier ont laissé place aujourd'hui à la construction de liaisons homogènes de bout en bout (dites " sans couture") qui attribuent la maîtrise d'oeuvre, d'exploitation et de gestion à un seul exploitant ou à un groupe d'exploitants (alliances). Cette activité résulte de la demande exprimée par la clientèle d'affaires nationale et du trafic généré par les flux d'accès à Internet et, éventuellement, de la demande d'autres exploitants s'intéressant au trafic international. La masse de trafic transporté et la technologie disponible permettent d'offrir les coûts les plus bas. Les ANO (Affiliated Network Operators), comme France Télécom et Deustch Telekom, collaborent au projet EBN (European Backbone Network) qui a pour vocation de constituer un réseau de 20 000 km de double boucles optiques. Ce réseau, qui s'étend sur 16 pays, réunit 250 villes européennes et dispose de deux centres de gestion (Blagnac et Francfort). Le NABN (North American Backbone Network) est un réseau en fibre optique à 1,6 Tbit/s sécurisé reliant 28 grandes villes d'Amérique du Nord auquel participe France Télécom.
10 - Interconnexion entre réseaux différents
Le jeu de la réglementation permet, à l'intérieur du réseau national, un changement d'exploitant. Des liaisons dites d'interconnexion permettent de quitter un réseau d'accès pour un autre ou de changer de réseau de transport. La liaison type entre abonné demandeur et abonné demandé n'a plus désormais la simplicité de sa structure ancienne. Les fonctions de réseau intelligent sont possibles entre réseaux différents grâce aux travaux de normalisation accomplis au sein du projet TIPHON et des groupes de travail PARLAY et JAIN.
Entre exploitants concurrents, la règle de l'entraide en cas de défaillance majeure est appliquée sans difficulté. Des liaisons d'entraide sont donc prévues entre réseaux de transport voisins. Des compensations financières sont établies chaque trimestre en fonction des actions réciproques éventuelles.
Bibliographie :
- Analyse structurée des réseaux, J. Kurose et K. Ross, Editions Pearson Education
- Réseaux, André Tanenbaum, Editions Dunod
- Télécommunications, Daniel Battu, Editions Dunod.
Salon INTERNET WORLD , Du 24 au 26 Avril 2012 à Londres, INTERNET WORLD : l’évènement ... [suite] Séminaire IPv6, Le 11 Avril 2012, à Telecom ParisTech., Le G6 organise un séminaire ... [suite]